2- Les enquêtes du commissaire Bakar
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Le démon de minuit
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L'empreinte de Marcion
Il faisait donc sombre et humide dans ce sanctuaire où le commissaire médita longuement assis sur une chaise.
— L’éternité les cons ! L’amour mon cul ! La miséricorde, même pas dans vos rêves ! Mohamed fixait le crucifix d’un air mauvais.
Il égrenait ces blasphèmes à haute voix et elle résonnait en donnant une autre dimension à ses jurons. Ils montaient orduriers sous la nef et revenaient en échos solennels.
C’est donc de cela dont ils avaient besoins les croyants, d’échos, de voûtes, de nefs, de cloches, de prêtres enrubannés d’or ou d’imams immaculés et barbus. Il leur fallait des énormités et du mystère à entendre et à croire pour que peur et cruauté leur reviennent sur la gueule sans qu’ils bronchent ou s’ils bougeaient, pour s’agenouiller ou faire un signe de croix ?
Pauvres gens, pensait Mohamed, si seulement ça les rendait heureux. Il avait la sensation d’avoir soulevé un coin du mensonge de la foi, comme on soulève le coin d’un vieux tapis pour ne trouver que de la poussière cachée dessous. Une poussière acre, sale et pathogène qui ne demandait qu’à s’envoler pour disséminer ses interdits alimentaires, ses mutilations sexuelles et ses rites quotidiens idiots en psalmodiant l’amour pour prêcher la guerre.
Fari entra dans la chapelle et le bruit de ses talons vint rythmer le chant de blasphèmes et de pensées profanatrices de Mohamed.
Quand l’ombre de la silhouette de sa compagne vint glisser sur l’hôtel, Bakar se retourna, la tête pleine soudain de désirs libertins.